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Philippe Hersant (photo DR)

Pour son premier déjeuner de l’année 2015, la PMI reçoit à sa table habituelle Philippe Hersant, l’un des compositeurs les plus joués de sa génération – à juste titre. Jean-Guillaume Lebrun présente, avec un authentique enthousiasme, notre invité, qui fait partie des musiciens « inclassables », à l’instar d’un Dutilleux par exemple. Son œuvre, riche de plus de cent cinquante opus, touche à l’ensemble des genres, du symphonique au lyrique, en passant par le répertoire de chambre ou le concerto, voire la musique de ballet et de film, avec un langage personnel et poétique, qualifié par certains de « clair-obscur », qui enjambe les rivalités de chapelles, audemeurant en voie d’extinction. Les créations de notre hôte bénéficient souvent de reprises par nombre d’interprètes, et lui valent la reconnaissance par la profession comme par le public, à l’image des Victoires de la musique dont il fut deux fois lauréat. La dimension sociale de son travail ne lui a d’ailleurs pas échappé, composant pour le festival de Clairvaux à partir d’écrits de détenus.

Philippe Hersant (photo DR)

Compte rendu du déjeuner avec Renaud Capuçon, 23 septembre 2014 (photo © renaudcapucon.com)Renaud Capuçon (photo © renaudcapucon.com)

Violoniste international, chef d’orchestre et directeur de festival, Renaud Capuçon brave une voix presque aphone pour nous faire l’honneur de partager notre table. De ce musicien protéiforme, Michel Le Naour résume le parcours pétri de fidélité – partenaires de jeu, mais on de disque depuis ses débuts, Virgin. Notre ami soulignel’originalité et l’audace des choix du soliste, à l’instar d’un récentdisque associant Bach à un compositeur letton contemporain, et met en évidenceson engagement pour les répertoires délaissés et la création. À cet égard,Renaud Capuçon montre un éclectisme et une absence de préjugés remarquables,dépassant des clivages entre musique tonale et atonale qu’il estime être des archaïsmes français hérités des années d’avant-garde après la Seconde Guerre mondiale.

Hasard malheureux du calendrier, notre restaurant habituel n'étant pas disponible, c'est au Royal Opéra que la PMI reçoit Benoît Dratwicki, directeur artistique du Centre de musique baroque de Versailles, et principal coordinateur de l'année Rameau en 2014. Notre déjeuner se trouve ainsi placé sous le signe de la musique française, que notre convive sert depuis treize ans à Versailles, et depuis 2009 aux côtés de son frère Alexandre, lequel est en charge du Palazetto Bru Zane.

À l'origine du Centre de musique romantique française, il y avait le désir de maintenir le palais vénitien dans le domaine public. Une riche mécène, Nicole Bru, lui a apporté un soutien indéfectible, et notre convive de se remémorer la réunion qui devait décider de l'envergure du projet. Partis du répertoire chambriste, plus économe, les protagonistes ont vite avoué qu'une redécouverte du patrimoine musical français de l'ère romantique à la mesure de leurs ambitions passait en réalité par les genres lyriques et symphoniques, ce qui évidemment quadruplait le budget. Mais l'appui financier n'a pas été remis en cause – bel exemple de courage pour la défense de l'art.

 

Yves Chauris (photo DR)

Si elle invite régulièrement des artistes confirmés, notre association n'en porte pas moins une attention sensible aux jeunes talents, et c'est grâce aux soins de Marcel Weiss qu'elle convie en ce lundi de mi-novembre Yves Chauris, dont une nouvelle pièce Un minimum de monde visible sera créée par l'Ensemble Intercontemporain et Pablo-Heras-Casado à la Cité de la musique le 14 janvier 2014 – après le Concertgebouw à Amsterdam trois jours plus tôt.

Ce jeune compositeur trentenaire, dont le langage personnel se veut accessible à un large public, n'est pas issu d'une famille musicienne, mais a montré précocement des dispositions pour la musique – plongé dans un traité d'harmonie à sept ans, il a rapidement improvisé sur le piano du foyer natal, à Brest, et a tenté très tôt de déchiffrer l'Opus 111 de Beethoven. Entré au Conservatoire de Paris à 18 ans, il se reconnaît des professeurs – parmi lesquels ceux d'analyse lui ont apporté beaucoup – mais pas de maître. Il confesse une profonde admiration pour Dutilleux, qu'il regrette n'avoir jamais abordé, et comme ce grand monsieur récemment disparu, il aime mûrir ses œuvres, travailler sur le timbre, les mimétismes de couleurs. Ainsi, dans l'une d'entre elles, il joue sur les fréquences inhabituelles du violoncelle, ailleurs il essaie de reproduire des attaques avec des instruments non accordés, manie la scie musicale. Après deux ans de résidence en composition à la Casa Velasquez à Madrid, il est parti six mois à la fondation Kujoyama au Japon, où il a été fortement impressionné – en particulier par les nombreux aspects cachés de la vie sociale nipponne, contraignant souvent à passer par des intermédiaires pour des demandes qui, en Europe, se feraient directement.

Thierry Escaich (photo Claire Delamarche)

À un mois de la création à l'Opéra de Lyon de son premier opéra, Thierry Escaich a accepté l'invitation de la PMI au sein de notre table sise à l'étage du Louvre Ripaille, la gargote désormais consacrée par notre confrérie. À sa gauche, Gilles Cantagrel loue les talents d'un compositeur également organiste à la tête de quelque 120 opus. Encore novice dans le domaine lyrique, son catalogue touche cependant à tous les genres, de la musique de chambre au répertoire symphonique en passant par une musique de ballet écrite pour le New York City Ballet, The Lost Dancer, et témoigne d'une inspiration authentique, que Gilles Cantagrel n'hésite pas à qualifier d'humaniste, et qui le distingue des « faiseurs de musique ». Hier méprisé par les avant-gardes, aujourd'hui plus d'actualité que jamais, l'opéra semble constituer un genre auquel tout compositeur se doit de contribuer.