Faut-il encore inaugurer la Philharmonie de Paris ? La grande institution basée à la Porte de Pantin reste ainsi en froid avec l’architecte Jean Nouvel et l’on attend encore de pouvoir accéder à la terrasse et de découvrir le panneau lumineux extérieur. Pour autant, l’ensemble des aménagements intérieurs a été finalisé cet été, particulièrement l’ajout de multiples éléments acoustiques dans la grande salle. Et le grand orgue sera inauguré par Thierry Escaich lui-même lors du concert du 28 octobre prochain dédié, notamment, à la Troisième Symphonie de Saint-Saëns et à une improvisation du compositeur français.
C’est dans ce contexte qu’une vingtaine de membres de la PMI étaient invités par Philippe Provensal, responsable du service de presse, à visiter les nouveaux aménagements intérieurs. Outre la maquette du site et des salles consacrées aux ateliers pédagogiques de groupe, il nous aura ainsi été donné d’accéder au grand auditorium ainsi qu’aux espaces dédiés à l’orchestre (salle d’attente et de répétition) sous la houlette experte d’Emmanuel Hondré. L’actuel directeur du département Concerts et spectacles de la Philharmonie n’a pas son pareil pour présenter le projet et son fonctionnement, autour d’une érudition frappant l’admiration, sans parler de ses dons réels d’orateur. Didier Van Moere rappellera aussi en fin de visite combien notre hôte reste, en tant que « vrai musicien », un oiseau rare parmi les organisateurs de concerts.
La visite aura été l’occasion d’insister tout particulièrement sur le travail effectué en ce qui concerne les activités de groupe. Pas moins de 17 salles ateliers permettant d’accueillir 4 500 personnes par saison afin de pratiquer la musique sans avoir à lire une partition, le plus souvent en famille, en s’inspirant des programmes similaires élaborés en Amérique latine : Sistema au Venezuela, mais aussi leurs équivalents au Brésil, en Equateur, etc. Une activité déjà réalisée autour du gamelan depuis 1995 à la Cité de la musique, et désormais étendue à tous les instruments. Outre ces ateliers, de nombreux concerts participatifs (15 à 20 par saison) sont désormais proposés afin que le public ne soit plus seulement « client » mais également acteur des concerts choisis.
L’entrée dans l’auditorium permet de découvrir les différentes subtilités d’architecture intérieure qui combinent habilement fonctionnalité et acoustique. Ainsi des nuages suspendus au plafond, des rideaux ajoutés sur les côtés pendant les répétitions, mais aussi de la « canopée » au-dessus de la scène qui cache toute une batterie de projecteurs et autres éléments techniques. La salle a également été complétée de petits pans de bois incrustés à la double fonction décorative et acoustique, tandis que tous les éléments permettant d’adapter le lieu aux différents styles (classique bien sûr mais aussi jazz, musique du monde, danse, musique amplifiée, etc.) sont en place : podium sur la scène, sièges en arrière-scène rétractables, sièges de l’orchestre ôtés pour une configuration du public debout, type « Proms ». De 2 400 places en configuration normale, la salle pourra ainsi passer à 3 600 sièges pour des concerts de musique pop.
La dernière partie de la visite est consacrée aux différentes questions posées à Emmanuel Hondré. Sur le rapport avec les publics de demain, il rappelle l’existence du programme d’orchestre populaire Demos, tout en marquant sa préférence pour un travail avec les centres sociaux et les professeurs impliqués dans les conservatoires. Pour ce qui est d’une éventuelle primauté donnée à l’Orchestre de Paris, Emmanuel Hondré affirme qu’aucune priorité ne lui est donnée, préférant parler de « dynamique collective avec les orchestres invités ». Ces orchestres ont par ailleurs fait savoir qu’ils étaient véritablement sous le charme des nouvelles installations. L’association Philharmonie étant devenue un EPIC, quid de la limite d’âge à 65 ans pour l’actuel directeur ? La question sera examinée en temps voulu. Le choix de ce nouveau statut d’EPIC résulte de la baisse de la participation financière de la Ville de Paris, tandis que l’Etat l’a - à l’inverse - augmenté. Dès lors, il serait logique que l’Institution change de nom : « Cité de la musique / Philharmonie de Paris » est le choix envisagé pour l’instant.
Sur la question de l’harmonie entre les choix de programmation, Emmanuel Hondré rappelle que la Philharmonie n’est pas un « garage » censé accueillir des productions toutes faites. Il existe ainsi des moments d’échanges permettant de définir des coproductions, notamment lors de week-ends organisés par thème. Le sujet du rajeunissement du public est également abordé, étant rappelé que la salle Pleyel avait entre 1 000 et 1 500 abonnés jeunes. Avec la Philharmonie, le nombre total d’abonnements (tous âges) est passé de 14 000 à 20 000 personnes. Sans doute le résultat d’un horaire plus tardif des concerts (20h30) mais aussi de thématiques variées permettant la porosité avec d’autres univers. Ce n’est pas encore l’heure du bilan, mais Emmanuel Hondré est tout de même rassuré aujourd’hui, notamment au vu des chiffres de fréquentation.
Florent Coudeyrat
Photos © W. Beaucardet