dans cette rubrique :

la juive gand

La Juive à l'Opéra de Flandres, avril 2015 © Annemie Augustijns

C’est à l’initiative de Caroline Alexander que la PMI dépêche une délégation pour la première de La Juive de Jacques-Fromental Halévy à Gand, mise en scène par un des grands noms du théâtre germanique, Peter Konwitschny. Familière de l’Opéra des Flandres, elle a organisé, avant la représentation et de concert avec l’attaché de presse Wilfried Eetezonne, une rencontre avec le directeur des lieux, Aviel Cahn, en poste depuis 2008.

 

Démontrant à quel point le genre lyrique n’est pas déconnecté de la réalité, notre entrevue s’ouvre sur les questions de sécurité qui ont surgi lors de la mise à l’affiche de l’opéra d’Halévy, les évènements récents n’étant pas innocents dans cette vigilance accrue, et ce d’autant plus qu’Anvers, plus encore que Gand, figure parmi l’une des plus importantes diasporas européennes, alors que les communautés ne s’y mélangent guère.


Autant dire que notre interlocuteur revendique une dimension politique dans la programmation d’une maison d’opéra : celle-ci ne doit pas se contenter d’être un musée des ouvrages du passé, mais un théâtre où le public se sent concerné, et celui-ci y répond et se montre curieux. A l’aune du titre du moment, on soulève celui du Prophète de Meyerbeer, quand d’aucuns rappellent que l’une des premières productions du mandat de notre hôte n’était autre que Samson et Dalila, tandis que la prochaine saison verra se monter Tannhäuser. Il y a encore Le Duc d’Albe de Donizetti, complété par Giorgio Battistelli, réalisé avec Carlos Wagner et une équipe internationale, et qui tournera à Oviedo à la fin de l’année.


On revient à La Juive, plaidoyer pour la tolérance, qui rappelle la permanence du problème relatif à la coexistence des religions, d’autant que cette dernière a perdu de son évidence au cours de la période récente. Ainsi a émergé l’idée d’un symposium pour accompagner cette nouvelle production, autour du monde juif et de l’opéra, qui réunit un panel très large de personnalités en prise avec la question.


Indissociable de la forme du grand opéra dont il constitue l’un des premiers aboutissements, le chef-d’œuvre d’Halévy pose naturellement le délicat choix des coupures, pratique au demeurant en phase avec celles de la création. De fait, il n’existe pas de version définitive de l’ouvrage. Il n’en reste pas moins que l’équilibre de l’ensemble ne saurait être éludé, et notre interlocuteur souligne que la cohérence a été le guide, sacrifiant ce qui ne sert pas le propos dramaturgique. Citant d’autres avatars du genre, on évoque la faiblesse de Robert Le Diable de Meyerbeer, comparé à L’Africaine.


Le chapitre des voix n’est point oublié, et l’on mentionne la présence de Neil Schicoff, grand tenant du rôle d’Eléazar au début des années 2000, qui a d’ailleurs contribué à une résurrection de La Juive. Avant une rencontre autour du metteur en scène, en prélude à la soirée, il est temps de remercier Aviel Cahn d’avoir pris le temps d’échanger avec notre délégation : réévaluation du répertoire et pertinence sociale et politique n’ont rien d’antinomiques, notre déplacement gantois en constitue un évident exemple.


Gilles Charlassier