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mathieu romanoFormé à Auxerre avant de rejoindre le CNSM de Paris, Mathieu Romano s’est toujours attaché à toucher à tous les répertoires. Dans la classe de Sophie Cherrier au CNSM, auprès de qui il obtient en 2009 son Prix de flûte, il aborde aussi bien le grand répertoire que la création contemporaine. Même souci d’une vision large pour la direction de chœur qu’il étudie d’abord à Auxerre puis la direction d’orchestre : il suit l’enseignement de Pierre Boulez, Susanna Mälkki, Catherine Simonpietri et François-Xavier Roth, devient l’assistant de Paul Agnew, Marc Minkowski, Denis Russell Davies, David Zinman... Autant de styles très différents mais qui tous apportent leur contribution à la naissance d’un chef. « J’ai toujours appris en regardant les chefs travailler, dit Mathieu Romano. Non pas tant le geste, car la technique de direction à proprement parler est simple, mais la façon de s’adresser aux musiciens ».

Durant ces années d’études, Mathieu Romano chante dans différentes formations, dont le Jeune Chœur de Paris, et fonde l’ensemble Aedes, au départ juste un chœur monté entre amis du Conservatoire (« notre premier concert à Paris, c’était dans les couloirs du métro à Saint-Lazare ») mais qui se donne déjà pour but de toucher à tous les répertoires. Une gageure sur une scène musicale où l’on est vite étiqueté. Mais près de quinze ans après la création d’Aedes le pari semble gagné : si le chœur a d’abord été perçu comme un défenseur de la musique vocale a cappella des 20e et 21e siècles, son activité s’étend aujourd’hui aux genres et époques les plus variés – de Monteverdi à nos jours. Outre les collaborations régulières avec Les Siècles, Aedes travaille sur des projets lyriques (Carmen à Aix-en-Provence avec Pablo Heras-Cassado), avec des ensembles tel Le Poème Harmonique, de nombeux orchestres (la plupart des formations parisiennes, par exemple) et même d’autres chœurs comme Les Métaboles ou le Chœur de la Radio lettone.
L’ensemble compte aujourd’hui deux permanents (Mathieu Romano est lui-même intermittent, comme ses chanteurs). Sa pérennité tient beaucoup aux soutiens reçus dans la durée : résidence à la Cité de la Voix de Vézelay, en liaison avec la DRAC Bourgogne, résidence également au Théâtre impérial de Compiègne, aides de la Caisse des Dépôts et Consignations, de la Fondation Bettencourt et auparavant de la Fondation Orange et du Mécénat musical Société Générale).
Aedes reste avant tout une aventure humaine. « Tous mes projets, je les propose d’abord aux dix-sept chanteurs qui forment l’équipe de base de l’ensemble. La programmation est faite pour eux et, année après année, elle accompagne l’évolution de la voix des chanteurs. C’est ainsi que nous avons confié les parties solistes du Requiem de Fauré [le dernier enregistrement d’Aedes, paru en 2019 chez Aparté] à deux de nos titulaires ». Mathieu Romano savoure ainsi de pouvoir assouvir ses « fantasmes d’œuvre » : Figure humaine de Poulenc (sur le même enregistrement que Fauré, couplé également avec les Chansons de Charles d’Orléans de Debussy), la Passion selon saint Jean donnée avec Les Surprises, Le Requiem allemand, programmé dans une version de chambre – « mais avec de la matière orchestrale » – avec Les Siècles (le 29 mai prochain à Compiègne)... Comme horizons désirables, Mathieu Romano cite les Vêpres de Monteverdi, la Symphonie de psaumes de Stravinsky, les Psaumes de repentance de Schnittke.
Interrogé sur le travail stylistique et linguistique qu’implique un répertoire aussi vaste, Mathieu Romano a de nouveau l’occasion d’évoquer la démarche passionnée des membres d’Aedes, soucieux d’approcher au plus près les intentions des compositeurs d’hier et d’aujourd’hui. Ainsi, il fait régulièrement appel à des conseils vocaux et linguistiques (« pour le cycle Sacred and profane de Britten, nous avons essayé de retrouver la prononciation de l’anglais médiéval »), tout en soulignant que « chanter en français n’est pas forcément plus simple ».

Jean-Guillaume Lebrun