Marina Chiche est une artiste précieuse. Non seulement par son talent d’interprète, dont témoignent concerts et enregistrements, mais aussi par sa réflexion sur la musique et sur les moyens de la transmettre. Invitée d’un « apéritif PMi », la violoniste a livré, en retraçant son parcours personnel, sa conception du rôle de l’artiste, responsable envers l’œuvre et envers le public.
La révélation date de son entrée dans la classe de musique de chambre de Pierre-Laurent Aimard au CNSM de Paris : « une révolution copernicienne, au sens propre : en partant de lecture du texte, du travail sur la partition, il s’agissait bien de remettre le soleil là où il est ». La rencontre avec György Kurtág, toujours au CNSM, la poussera à retrouver, à travers le geste instrumental, le geste compositionnel. Cette approche essentielle, complétant les cours très « violonissimes » des classes d’instrument, est celle qui apprend à « faire sens, organiser une trajectoire ». C’est la base de cet enseignement que Marina Chiche entend depuis lors transmettre dans les conservatoires (Caen, Taipei, Musikhochschule de Trossingen), lors de master-classes (Birmingham, Riga, Talinn, Bruxelles, University of Oregon, Strasbourg...), par les séminaires qu’elle propose à Sciences-Po (« musique et politique ») ou sur son blog (« Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la vie d’un musicien pro »).
La pratique musicale, pour Marina Chiche, ne peut être qu’incarnée, « elle met en relation le musical, le corporel et l’émotionnel ». Rien ne la désespère tant que ces élèves obsédés par les concours d’orchestre et qui ont perdu – ou n’ont jamais trouvé – de véritable connexion avec la musique qu’ils jouent. Convaincue que l’on apprend de ce que l’on enseigne (et réciproquement), la musicienne s’émerveille des expériences nées de l’échange avec ses étudiants. Ainsi raconte-t-elle l’origine du très beau disque « Après une lecture de Bach » (Intrada, 2008). Devant pallier l’absence de son pianiste lors d’un concert pour les élèves de Sciences Po, elle épuise rapidement son répertoire pour violon seul. S’ensuit une discussion avec les élèves ; elle reprend le violon pour expliquer comment on porte une polyphonie, comment l’instrument s’accompagne lui-même, comment se construit le contrepoint... Quelques mois plus tard, elle reprenait le fil de ce programme improvisé, convaincue que donner des grilles d’écoute est l’une des clefs de la démocratisation de la musique. « J’ai toujours été fascinée par les guides dans les musées, dit-elle. Ils vous montrent que vous êtes capable de cheminer avec une œuvre ».
Jean-Guillaume Lebrun
à venir :
Marina Chiche se produira l’été prochain aux Flâneries musicales de Reims, aux festivals de Montpellier et de Cordes-sur-Ciel
site internet de Marina Chiche : http://www.marina-chiche.com/
photo : PMi