De retour de Londres où il s’est produit avec son ensemble au Wigmore Hall, Hervé Niquet évoque tout naturellement la vie d’itinérance des artistes, contraints à passer un temps considérable dans les transports… surtout quand un évènement comme celui de la mort de la reine d’Angleterre vient s’ajouter aux délais d’attente déjà importants à la frontière franco-britannique. 2022 a été une année extrêmement lourde en raison de l’anniversaire de Molière et du report de concerts annulés pour cause de Covid.
Né le 10 décembre 1822, le compositeur qui partit pour Paris à l’âge de neuf ans et y passa le reste de sa vie, avait gardé un profond attachement à sa ville natale, entretenant une amitié avec un autre célèbre liégeois, le violoniste Eugène Ysaÿe, comme avec ses habitants. Attachement réciproque à n’en pas douter lorsqu’on parcourt le programme des évènements qui lui sont consacrés depuis juin 2021 où nous avions entendu le poème symphonique Les Éolides par l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège dirigé par son chef Gergely Madaras. Avec 15 concerts, l’OPRL, en coproduction avec le Palazzetto Bru-Zane, porte haut ces célébrations en faisant notamment revivre sur scène des œuvres qui ne sont plus jouées depuis des lustres. C’est la cas de l’incroyable opéra Hulda, point culminant de la programmation, qui a été donné en version concert à la Salle Phiharmonique de Liège le 15 mai dernier, remportant un succès monstre, et qui a reçu pareil accueil à Namur le 17, puis ce 1er juin à Paris au Théâtre des Champs-Élysées.
Une délégation des membres de la Presse Musicale Internationale a été invitée pour la première à Liège, bénéficiant de l’accueil chaleureux et de la formidable disponibilité de l’équipe de l’OPRL. Les Liégeois sont ainsi : ils se mettent en quatre pour vous recevoir, pour vous montrer tout l’or de leur ville, vous parler de son histoire, de sa culture, et vous conduire sur les pas des génies qu’elle a vu naître.
Une intégrale des mélodies et duos du compositeur vient ainsi de paraître au disque réunissant le baryton Tassis Christoyannis et la soprano Véronique Gens avec Jeff Cohen au piano. Cet enregistrement, qui fait l’objet d’une présentation remarquable, permet enfin d’apprécier dans son ensemble ces mélodies, tour à tour graves ou plus légères, brèves ou développées, composées depuis les années de jeunesse jusqu’à celles de la vieillesse. Il reste à souhaiter que les cantates et oratorios de César Franck, en premier lieu Les Béatitudes, comportant huit solistes vocaux, ouvrage si souvent donné au concert jusqu’à la première guerre mondiale et aujourd’hui fort négligé, bénéficient d’un même entreprise de réhabilitation.
Bruno Messina aurait pu conserver peu ou prou les mêmes concerts en changeant les interprètes, mais il n’a pas souhaité maintenir cette thématique en écartant les musiciens russes ; et de fustiger l’attitude de certains directeurs d’institutions musicales occidentaux, confortablement installés dans leurs prérogatives, qui n’ont eu de cesse que de poser des ultimatums – dès le lendemain du conflit – à des artistes russes dont la plupart ont métier et famille au pays.