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Bruno Messina remise Prix Livio 14 avril 2022
C’est un Bruno Messina à la fois détendu et grave que nous avons le plaisir de recevoir pour cette remise de Prix Antoine Livio de la PMi au restaurant Le Louvre Ripaille. Détendu car il vient tout juste de boucler la programmation du prochain festival Berlioz ; grave car la guerre en Ukraine l’a enjoint à revoir l’intégralité de sa programmation censée fêter les 175 ans du premier voyage de Berlioz en Russie… avec les conséquences que l’on devine : annulations en cascade, à commercer par celle de Valery Gergiev, habitué du festival et très impliqué dans la réalisation artistique du projet.

Bruno Messina aurait pu conserver peu ou prou les mêmes concerts en changeant les interprètes, mais il n’a pas souhaité maintenir cette thématique en écartant les musiciens russes ; et de fustiger l’attitude de certains directeurs d’institutions musicales occidentaux, confortablement installés dans leurs prérogatives, qui n’ont eu de cesse que de poser des ultimatums – dès le lendemain du conflit – à des artistes russes dont la plupart ont métier et famille au pays.

 

Parmi les projets éditoriaux, Actes Sud annonce une édition illustrée du célèbre Traité d’instrumentation et d’orchestration d’Hector Berlioz.

Cette année verra donc les festivals Berlioz et Messiaen jumelés courant juillet. Le festival Messiaen au pays de la Meije s’emploie toujours à accueillir des compositeurs en résidence : après Thomas Lacôte et Frédéric Durieux, Alain Louvier et Pascal Dusapin poseront leurs valises face aux majestueux glaciers du bassin de l’Oisans.

Bruno Messina s’attache à intégrer le plus possible la population locale aux manifestations, que ce soit à la Meije ou à La Côte-Saint-André. Cela signifie « apporter la musique là où elle n’est pas », et conjurer l’image parisienne et élitiste associée communément à « la musique classique » en pratiquant une politique tarifaire abordable ou en relayant les concerts via des écrans. Sur ce souci d’ordre sociologique se greffe un second d’ordre écologique : pas question, à l’heure où beaucoup de travailleurs en milieu rural sont frappés par la hausse des prix, d’acheminer les instruments au sommet par hélicoptère : le bilan carbone et l’image du festival s’en trouveraient affectés.

Au cours d’un repas particulièrement dense, notre invité est revenu sur son parcours, de sa formation de trompettiste auprès du très exigeant Pierre Thibaud au Conservatoire de Paris à l’étude de l’ethnomusicologie en passant par son installation en Indonésie. Une trajectoire impressionnante pour ce garçon issu d’un milieu modeste du Nice populaire, que rien (certainement pas un père réticent à une carrière dans la musique !) ne prédisposait à gravir les échelons de l’excellence.

Aujourd’hui, Bruno Messina est en quelque sorte un homme comblé, dont la capacité de travail ne laisse pas d’étonner : père de cinq enfants, directeur artistique de trois festivals (son palmarès s’enrichit d’un nouveau fleuron avec le festival de Fès), il soutiendra prochainement sa thèse en ethnomusicologie à l’École Pratique des Hautes Études et vient de mettre un point final à son premier roman, publié chez Actes Sud. Le titre ? 43 feuillets - une immersion dans le quotidien d’un musicien de variété dont le statut précaire d’intermittent ne lui permettra bientôt plus de gagner son pain. Une situation que Bruno Messina, au cours des nombreuses vies qu’il a vécues, connaît bien pour avoir cachetonné au sein d’un ensemble se produisant dans les discothèques et les bar mizsvah.

Jérémie Bigorie
Photo © PMi