La PMI inaugure l'année 2016 avec un invité exceptionnel et c'est avec une émotion perceptible que notre président Jean-Guillaume Lebrun présente celui qui a accompagné des musiciens légendaires : Glenn Gould, Sviatoslav Richter, Dietrich Fischer-Dieskau, Yehudi Menuhin… Avec ses films qui parlent tant à l'œil qu'à l'oreille, Bruno Monsaingeon fait de la musique un art cinématographique, et de l'image une composition musicale.
La parole de Bruno Monsaingeon constitue en réalité un album de la vie musicale du demi-siècle passé. Il évoque ainsi la révélation que fut pour lui, enfant, l’écoute d’un 78 tours de Yehudi Menuhin, moment fondateur de sa carrière musicale, qui l’amènera, des années plus tard, à consacrer au grand violoniste de nombreux films désormais réunis en un magnifique coffret (label Euroarts). En avril paraîtra chez Warner un coffret de 90 CD auquel Bruno Monsaingeon a apporté toute sa connaissance du musicien.
Il raconte aussi sa découverte de Glenn Gould, curieusement liée, dans son souvenir, à la Russie. Moscou, à l’époque (nous sommes en 1966), ne compte que trois disquaires, et encore ceux-ci n’offrent-ils, dans leur rayon « classique » qu’une soixantaine de références. Notre invité les achète tous ; parmi eux se trouve l’enregistrement d'un concert Brahms par le pianiste canadien. Ce sera le début d’une longue aventure musicale et cinématographique.
Autre anecdote, celle de la version allemande du film Richter, l’insoumis pour laquelle Bruno Monsaingeon a dû se soumettre au goût du public allemand, qui préfère le doublage au sur-titrage : après l’audition de nombreux acteurs, il propose le rôle à Carlos Kleiber, qui décline la proposition mais s’enthousiasme pour le film. C’est finalement Dietrich Fischer-Dieskau qui prêtera sa voix au pianiste russe.
Loin de se contenter de travailler au côté de « monstres sacrés », Bruno Monsaingeon a toujours cherché à suivre de jeunes musiciens, dont il s'attache à saisir la fraîcheur dans l'émergence du talent, avant qu'elle ne soit « abîmée » par la carrière. Ce qui rapproche tous ces musiciens, quelle que soit leur génération : ce sont tous de vraies personnalités, pas nécessairement consensuelles. Citons, pour les années 1990 et 2000, David Fray, Piotr Anderszewski ou Grigory Sokolov.
Aujourd’hui cependant, Bruno Monsaingeon n’est guère optimiste quant à la possibilité de produire les films qu’il a en tête et qui ne cadrent pas avec le format imposé par les décideurs du petit écran. Seule véritable niche pour le documentaire de qualité, Arte n'échappe pas à la domination de l'anecdotique et à la dictature du créneau temporel, à la seconde près, ainsi que le montrent les tribulations de la diffusion de L'Art du violon, en deux volets. Même un projet avec Grigory Sokolov que devait produire la chaîne allemande ZDF se heurte à la rigidité contractuelle de la télévision, étrangère aux exigences de la création artistique. Et l'on ne peut que déplorer la tyrannie du direct à laquelle se résume de plus en plus le film musical, oubliant toute la subtilité du langage de l'image, au vingt-quatrième de seconde près. Bruno Monsaingeon incarne un artisanat cinématographique peu accommodable avec l'obsession du court-terme et l'absence de vision stratégique de la culture qui prévalent aujourd'hui. Le financement doit alors se tourner vers le mécénat, avec un amortissement sur le long terme, estime notre interlocuteur.
Ce ne sont cependant pas ces considérations qui empêcheront Bruno Monsaingeon, toujours habité par de nouveaux projets, de continuer à transmettre, par l’image et avec intelligence, la passion de la musique. En tout cas, cette rencontre chaleureuse avec une personnalité authentique aura assurément marqué les membres de la PMI.