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Pablo Heras Casado (photo DR)Moment phare de la vie de notre association, le Grand Prix Antoine Livio est décerné chaque année par la PMi à − pour reprendre les termes du règlement − « une personnalité du monde musical dont le travail a incité la critique à reconsidérer une œuvre, un compositeur, une époque ou une tradition ». Le vote a lieu au cours de l’assemblée générale annuelle, et a élu en décembre 2014 Pablo Heras-Casado, que nous accueillons aujourd’hui pour lui remettre le prix, en notre restaurant habituel, le Louvre-Ripaille.

Pablo Heras Casado et Jérémie Bigorie lors de la remise du prix (photo DR)

 

Par la voix de notre secrétaire général, Jérémie Bigorie, l’on salue ainsi un chef d’orchestre aux intérêts variés, sans préjugés, du baroque à la création contemporaine, prélude à un toast en l’honneur du lauréat, sensible à la pertinence du prix, après un amical hommage, de la part de Clym, à l’histoire de la récompense et à celui qui en a donné le nom.

 

Dans la continuité de la présentation introductive, le débat s’ouvre sur les récentes parutions discographiques et les projets subséquents. Chez Harmonia Mundi, on mentionne un cycle consacré aux concertos de Schumann, des symphonies de Schubert, dont les Troisième et Quatrième avec le Freiburger Barockorchester se sont dévoilées avec une fraîcheur qu’on ne connaissait plus : le chef espagnol confirme avoir voulu faire entendre la juvénilité de ces pages trop souvent dramatisées sinon « wagnérisées ». Une Cinquième de Mendelssohn s’annonce, ainsi que La Tempête de Tchaïkovski, ou encore Bartók, sans oublier la musique ancienne, remettant en lumière la lignée des Praetorius, autour du Cantique des Cantiques, au croisement de la Renaissance et des premières lueurs du baroque, avec l’ensemble Balthasar Neumann.

Avec cette dernière formation, on aborde également l’actualité des concerts : un cycle Monteverdi est prévu à l’Auditorio nacional à Madrid, ville où PabloHeras-Casado donne depuis plusieurs années une production annuelle au Teatro Real, tandis que la le Teatro de la Zarzuela n’a pu concrétiser des projets en gestation. Une telle liberté dans le passage d’un répertoire à l’autre, sans fondamentalisme aucun, n’a que la justesse de l’intonation et du style pour pierre de touche, et la flexibilité des musiciens. En somme, la question des instruments doit s’effacer devant les droits de la musique.

 

Une comparaison entre le Klangforum Wien et l’Ensemble Intercontemporain s’élabore, soulignant l’acuité analytique des Parisiens et l’audace sans limite des Viennois, prêts à se lancer dans des créations iconoclastes: c'est avec eux que Pablo Heras-Casado a créé El Publico de Sotelo à Madrid il y a deux mois, adaptation lyrique de l’étrange et fascinante pièce éponyme de Garcia Lorca, empreinte entre autres de flamenco. Des noms de solistes tels Alexander Melnikov, Janine Jansen ou Sol Gabetta surgissent, tandis que le maestro regrette que souvent, à l’opéra, les chanteurs restent prisonniers de traditions non remises en question. C’est indéniablement la vitalité et la créativité qui nourrissent le travail du chef espagnol. Et pour ces valeurs, la PMI est fière de compter Pablo Heras-Casado au range des lauréats du Grand Prix Antoine Livio.

Gilles Charlassier et Jérémie Bigorie