Anne, notre amie, notre consœur, nous a quittés le 21 mars. Pour qui l'a côtoyée, elle restera pour toujours cette figure rayonnante, généreuse, indéfectiblement habitée par l'amour de la musique. Didier Van Moere, qui lui avait succédé à la présidence de la Presse musicale internationale en 2006, lui rend ici hommage.
Le regard pétillait, le sourire irradiait. Elle était lumineuse et généreuse. Anne a marqué tous ceux qui l’ont approchée. Au-delà du souvenir, une leçon de vie, de courage, de sagesse, de gaîté aussi. Et d’enthousiasme : jusqu’à la fin, on la vit au concert ou, surtout, à l’Opéra. La vie, pourtant, ne l’avait pas épargnée. Mais elle était plus forte que ses propres chagrins.
L’Opéra ou sa seconde maison. Entre la harpe et le chant, elle choisit le chant, révélé à la Scala de Milan lors d’une représentation de Tosca. On avait laissé entrer la petite pensionnaire en uniforme, elle resta jusqu’à la fin, émerveillée, alors qu’on la cherchait partout. La punition lui importa peu : elle avait découvert un monde. À Lyon, siégeant dans le jury du Conservatoire, le directeur de l’Opéra eut tôt fait de repérer le minois et la voix, pas moins jolis l’un que l’autre : le Dugazon idéal pour les pages travestis. Le père, qui lui-même s’était rêvé pianiste et composait à ses heures, s’empressa de donner son accord. Quelques jours après, elle incarnait Siébel, avant d’être Andreloun, Chérubin, ou le Tsarevitch français que Boris Christoff préférait. Après l’avoir malmenée, Ninon Vallin rendit les armes devant la petite Destezet, qu’elle vint, après une représentation, complimenter en coulisses. Elle ne brillait pas moins dans l’opérette, pétillante et pétulante, princesse Mi du Pays du sourire, Claudine de la Fille du tambour major, partenaire de Luc Barney ou de Michel Dens.
Après les planches, les salles de rédaction : L’information du spectacle, Spectacles Grandes Régions surtout, qu’elle créa, fidèle à ses débuts, pour accompagner et promouvoir la renaissance des opéras de province. Beaucoup de plumes lui doivent leurs premiers pas de critiques : elle repérait aussitôt les talents. Il y eut ensuite le secrétariat général du Théâtre Sylvia Monfort, où elle passait plus que ses journées. Retraite active enfin, retour au journalisme et entretiens pour Jours nouveaux, le journal du groupe Audiens, où elle dialoguait avec Line Renaud ou Robin Renucci, Michelle Cotta ou Yves Bourgade. Dans tout cela elle mit la même passion, toujours avide de montrer comment se construit une carrière, toujours bienveillante aussi, parce qu’elle en savait le prix. A la PMI, un an de présidence lui suffit pour attirer de nouveaux membres, qu’elle accueillait à bras ouverts, et organiser de mémorables déjeuners : aucune personnalité ne refusait une invitation d’Anne Rodet.
« Le jour se lève
Et fait pâlir la sombre nuit.
……………………………………….
Et moi couché dans la bruyère
Je vais reprendre mon sommeil. »
Gounod, Mireille, acte IV, « Chanson d’Andreloun »