dans cette rubrique :

Rendez-vous très attendu, le prix Antoine Livio consacre cette année en Leonardo García Alarcón un jeune chef de trente-six ans qui incarne de manière exemplaire un renouvellement dans l'approche du répertoire, en particulier baroque dont il est l'un des spécialistes, tout en soulignant la vitalité de la vie musicale sud-américaine – que le lauréat soit de nationalité argentine ne relève cependant que de la pure coïncidence, sans lien avec le récent conclave. 

Leonardo Garcia Alarcon photo DR

C'est pourtant à Genève que Leonardo García Alarcón s'est installé, ville cosmopolite par excellence, et d'où rayonne une carrière éminemment européenne. Il vient ainsi en voisin à Ambronay, où il est en résidence avec son ensemble Capella Mediterranea depuis plusieurs années, et Alain Buet, le directeur artistique du festival, présent à notre table, ne peut que s'en réjouir, confirmant une vocation de pépinière de talents que ce creuset du baroque désormais trentenaire ne cesse de prouver avec constance.

Revenant sur sa formation et les rencontres qui ont jalonné son parcours, notre invité évoque celle, déterminante, de Gabriele Garrido, fondateur de l'ensemble Elyma, qui a véritablement lancé sa carrière. Véritable carrefour des nations, c'est à Genève que le jeune argentin a rencontré Herreweghe et Gardiner, figures incontournables pour qui a été nourri de Bach depuis l'enfance. C'est d'ailleurs à Genève encore qu'il enseigne au Conservatoire, y créant une classe de chant baroque qui n'existait pas jusqu'alors. Ce cosmopolitisme assumé ne signifie pas pour autant un reniement de l'Amérique latine natale, et nos amis hispanophones, Pierre-René Serna et Pedro Diaz, ne sont pas les seuls à manifester leur curiosité quant à l'approche d'un patrimoine encore méconnu en Europe. Il évoque ses projets de résurrection de musique des missions jésuites, des chœurs polyphoniques d'une incroyable science, à l'instar de ceux de Juan de Araujo ou Domenico Zipoli, datant de la fin du dix-septième siècle. On ne peut manquer de s'arrêter un instant sur Elena de Cavalli, présenté au prochain festival d'Aix dans l'écrin intimiste du Théâtre du Jeu de Paume. L'ouvrage constitue sans doute l'un des premiers avatars d'opéra-comique de l'histoire. La trame, absolument délirante, tient de La Belle Hélène d'Offenbach. Jean-Yves Ruf règlera la mise en scène d'une production envers laquelle notre hôte nourrit les meilleurs espoirs – une révélation pronostique-t-il.

Même si le baroque constitue le cœur initial de son répertoire, Leonardo García Alarcón ne manque pas de l'élargir, en particulier vers le dix-neuvième siècle. On se souvient évidemment du mémorable concert de septembre dernier à Ambronay, parant le Concerto pour clarinette et le Requiem de Mozart de couleurs inouïes, en s'appuyant sur un travail musicologique approfondi, démonstration parmi tant d'autres de son génie à insuffler vie aux recherches en bibliothèque. Dans la production lyrique de l'enfant de Salzbourg justement, le chef argentin commencera par Idomeneo. Pour ce qui est du bel canto romantique, il songe, après La Cambiale di matrimonio de Rossini, à Bellini, dont il veut révéler l'ornementation à la manière de Chopin. Mais l'on évoque également Piccini, Cherubini, Méhul et sa Première Symphonie ou encore Harold en Italie de Berlioz. Le répertoire étant vaste, les exemples et les suggestions ne manquent pas de se multiplier, témoignages de la curiosité insatiable de notre lauréat que nous ne pouvons que partager, et motif à retarder l'inévitable moment de prendre congé en le remerciant d'avoir accepté l'invitation de notre assemblée.

Gilles Charlassier