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UNE DÉLÉGATION DE LA PMI À BUCAREST POUR LE FESTIVAL GEORGE ENESCO EN 2013 (PHOTO PMI)délégation de la PMI à Bucarest pour le festival Enesco (photo PMI)

C'est la troisième fois que, grâce à Mihai Brancovan et Costin Popa, le festival de Bucarest reçoit une délégation de la PMI, et notre association se sait très honorée par cette invitation. Au milieu de notre marathon musical, dont chacun a pu rendre compte dans son média respectif, nous sommes reçus par Mihai Constantinescu, le directeur de la manifestation – plus exactement d'Artexim, l'agence organisatrice. Si on compare souvent le festival Enescu à Salzbourg, c'est plutôt de Lucerne ou des Prom's qu'il se rapproche du point de vue de la programmation. Le souci d'excellence ne lui fait pas pour autant oublier l'importance d'une large diffusion auprès du public, un des gages de sa légitimité.

Ainsi la jauge de 3126 places de la grande salle du Palatului a pu être portée à 4000 pour le concert d'ouverture avec Daniel Barenboim. Par ailleurs, grâce aux partenariats, tant avec les télévisions et radios locales que CNN, Euronews ou Mezzo, la diffusion dans les cinémas ou encore la disponibilité de tous les concerts en streaming – sauf problème d'accord avec les artistes –, l'audience du festival dépasse largement les frontières de la Roumanie. Ce sont ainsi 280 représentants de la presse roumaine, mais aussi un peu plus de soixante-dix journalistes étrangers qui couvrent le festival. Evoquons également les concerts des élèves et étudiants des conservatoires de Bucarest, lesquels peuvent accéder gratuitement aux concerts dans la grande salle du Palatului.

En termes de budget, les 8 millions d'euros de l'édition 2013 sont comparables aux chiffres de celle de 2011 – modestes à côté des 64 millions de Salzbourg mais significatifs pour la Roumanie. Depuis cette année, le concours (composition, piano, violon, violoncelle et chant) aura lieu hors festival, afin que l'on parle d'Enescu tous les ans. La billetterie ne représente que 10% du budget – avec un peu plus de 3000 places au Palatului, 800 à l'Athénée, 300 au Petit Palais et 900 à l'Opéra. Preuve de son succès, les abonnements, ouverts à partir du 15 janvier tandis que la billetterie générale est disponible à partir du 15 avril, qui ont été vendus en trois semaines en 2011 l'ont été en deux jours cette année et les concerts de Lupu ou Kissin se sont évaporés en moins d'une minute. Sur les 120000 billets vendus, 20000 le sont à des étrangers. En outre, le festival ne se limite pas à Bucarest : pas moins de dix villes de province accueillent des manifestations – contre sept l'an passé. Pour 2015, les autorités envisagent de réduire la durée et le nombre de participants, ainsi qu'augmenter le prix des billets – qui actuellement ne dépasse pas 80 lei, soit moins de 20 euros, tandis que les abonnements coûtent 350 lei, soit à peine plus de soixante-dix euros –, ce qui aurait des conséquences indubitablement néfastes. 

Parmi les formations invitées, il ya par exemple le Philharmonique d'Israël avec Zubin Mehta, le London Symphony Orchestra, Petrenko et Liverpool. La Scala est venue en 2011 avec Riccardo Muti, qui a demandé à changer le programme pour du Pergolèse. Les orchestres conviés doivent en effet jouer une page d'Enescu – si ce n'est pas une contrainte absolue pour le premier concert, elle l'est pour la seconde venue. Une attention particulière est naturellement accordée aux solistes, chefs et jeunes compositeurs roumains – le programme de musique contemporaine se distingue par sa richesse – témoin de la caisse de résonnance particulière que constitue le festival vis-à-vis des relais de presse étrangers. Si l'orchestre des Jeunes de Roumanie est la formation la plus prometteuse du pays, Mihai Constantinescu estime cependant qu'il lui faut encore quelques années avant de pouvoir valablement s'exporter dans les autres grands festivals européens. Soulignons que celui-ci n'a pas de saison fixe et dépend des projets et des sponsors.

La fin de la rencontre approche et l'on évoque encore le manque d'intérêt des élites pour l'un des premiers festivals d'Europe. Ainsi les plus grandes fortunes du pays préfèrent payer 300 euros pour entendre Boccelli que soutenir l'exigence de la programmation du festival Enescu. Le cœur du public est d'ailleurs constitué par les jeunes et la classe moyenne, d'où l'importance cruciale de maintenir des tarifs abordables. D'autant que cela constitue une des meilleures cartes de visite pour la Roumanie, dont l'image a souvent été écornée par l'Histoire et l'actualité politique du pays. A l'heure où Mihai Constantinescu nous parle, l'avenir du festival n'est pas encore assuré. C'est en souhaitant que les droits de la musique et de l'art sauront avoir raison des mesquineries politiques que le directeur prend congé de notre délégation, laquelle renouvelle sa plus vive gratitude pour son accueil.

Gilles Charlassier et Florent Coudeyrat