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fanny azzuro

Fanny Azzuro a 28 ans. Chevelure brune et courte, souriante, elle vient de faire paraître chez Paraty un enregistrement , « Russian impulse », consacré à Prokofiev, Rachmaninov et Kapoustine ; elle est l’invitée de notre second apéro PMi.

Autour d’une table et d’un verre à l’étage du Falstaff, on apprend ainsi que les origines transalpines de son nom remontent à trois ou quatre générations. Elle a commencé le piano à huit ans à Montpellier, d’abord par émulation familiale, son frère jouant lui aussi de la musique. Montée à Paris à 16 ans, elle travaille avec Olivier Gardon au CRR de la rue de Madrid puis au CNSM, se perfectionne en Italie, à Imola, et y rencontre Boris Petrushansky, qui devient son maître : son piano ne sera pas intellectuel et engagera physiquement son corps – on sait que le soliste russe fut élève entre autres de Neuhaus, cousin de Szymanowski qui forma Richter ou Guilels.

Fanny Azzuro (photo © J.B. Millot)

Des concerts, des stages, des masterclasses : le parcours de la jeune femme ne se résume pas à un curriculum vitae. Car ce qui la guide avant tout, c’est le goût et l’envie de découvrir des œuvres, tout autant que les rencontres musicales. A cette aune-là se mesure son aventure au sein du Spiritango Quartet – avec Thomas Chedal à l’accordéon, Benoît Levesque à la contrebasse et Fanny Gallois au violon. Un album Piazzolla en fut le premier fruit discographique. Sans doute peut-on relier cet éclectisme assumé et l’attachement de l’interprète à écrire ses cadences, sous le signe d’une liberté et d’une indépendance peu soucieuse des calculs de carrière. Si mettre en avant un compositeur méconnu tel que Kapoustine peut se révéler payant, l’équilibre du programme relève d’abord d’affinités intuitives – ici autour des Variations Corelli de Rachmaninov et de la Sixième Sonate de Prokofiev.
Et Fanny Azzuro ne cherche pas à se donner des airs de première de la classe, avouant sans fard une connaissance plus personnelle qu’académique du répertoire. Un projet autour de 1905, l’ornementation et Bach, Fazioli et Yamaha, l’empreinte d’une certaine école russe sur son jeu, ce qui ne l’empêche pas de chercher une certaine transparence : les échanges prennent un tour informel et les confidences riches d’enseignement affleurent : déchiffrant voix par voix plus que par analyse verticale, notre interlocutrice y trouve sans doute un outil de choix pour mettre en avant la clarté de la ligne et du chant auquel elle se révèle sensible. La formation chambriste la séduit autant que le solo, et l’on ne peut manquer de déplorer les étiquettes qui s’empressent de fondre sur les musiciens, en particulier ceux qui s’écartent de l’exclusive gloire concertiste.

On prend note des prochains rendez-vous, donnant quelques idées pour l’été. Notre invitée se montre aussi curieuse de nos chemins : la sympathie et la sincérité de ce moment font tourner les aiguilles. A coup sûr, nos amis de la PMi ne se sont pas contentés de découvrir un nom, et ne dédaigneront probablement pas de le suivre : notre assemblée n’est-elle pas placée sous le signe de l’amitié ?


Gilles Charlassier (le 31 mars 2015)